vendredi 9 octobre 2009

L'écrivain traqué

Tentons une incursion dans l'actualité, mais une incursion «différée». Je vous propose cet extrait de l'émission de Ruquier, On n'est pas couché, consacré au livre de Frédéric Mitterrand, au moment de sa sortie en librairie, le 9 juin 2007. Il n'est question que de littérature. Écoutez ce que disent Zemmour et Neaulleau.



Bien sûr, l'erreur du ministre de la Culture réside uniquement dans son soutien empressé à Roman Polanski, lui-même recherché par la justice américaine pour une vilaine affaire, impliquant une jeune fille mineure à l'époque des faits. Polanski a préféré fuir ses responsabilités. Sans cet excès de zèle, nul ne pouvait reprocher à FM sa confession littéraire, remarquable, ni établir le moindre rapport avec Polanski. La morale publique est réglée par les lois de la République, qu'ignore la littérature. Si un artiste contrevient à ces lois, il en répond en tant qu'il est citoyen, la justice ne tenant pas compte, dans le traitement qu'elle lui réserve, de sa situation d'artiste. L'homme n'est pas l'artiste, le premier ne répond pas des actes commis par le second, qui produit des œuvres. Certes, André Gide pouvait avouer, à voix basse : «Mon prix Nobel me protège !». Mais il y avait en France, en ce temps-là, une République des Lettres… Il est d'ailleurs intéressant de constater que le XXe siècle, pour rompre définitivement avec le siècle précédent, très moralisateur et austère sur le plan des mœurs, renoua avec le libéralisme des princes du XVIIIe. La République prenait sous son aile les créateurs, à la manière d'un souverain éclairé.
Chacun se fera son opinion ; pour moi, je constate, par cette affaire navrante, l'état de dégradation dans lequel se trouve la France «réelle». Nous vivions dans la grande tradition chrétienne et romaine de la faute, de la rémission, du pardon. Nous basculons dans l'univers anglo-saxon, protestant, de la traque inlassable, de l'examen policier du domaine privé, de la confusion entre les œuvres de l'esprit et les faits, et, au final, de la négociation financière pour réparation des dommages provoqués. Une dernière chose : il ne fut reproché à Jean Cocteau ses préférences sexuelles que sous l'Occupation, et par un organe de presse fascisant. Aujourd'hui, certains socialistes mêlent leurs plaintes outrées à ce qui semble être l'écho de ces dénonciations dangereuses.

Complément d'information 1.
Le 6 avril 2005, dans son émission Culture et dépendances, Franz-Olivier Giesbert questionne Frédéric Mitterrand : «La rumeur, Frédéric Mitterrand, c'est qu'on dit : “Frédéric Mitterrand, il aime les petits garçons […] il est pédophile”». Ce dernier réplique : «C'est pas vrai. Quand les gens disent “les garçons”, on imagine alors les petits garçons. Ça fait partie de ce puritanisme général qui nous envahit, qui fait que l'on veut toujours noircir le tableau, ça n'a aucun rapport. [...] Évidemment, je cours le risque de ce genre d'amalgame. Je le cours d'autant plus facilement ce risque-là puisqu'il ne me concerne pas. [...] Il faudrait que les gens lisent le livre et ils se rendraient compte qu'en vérité c'est très clair.»

Le 20 mars 2005, Frédéric Mitterrand fait face à Marc-Olivier Fogiel (On ne peut pas plaire à tout le monde) : «Le but de ce livre était de ne pas mentir, à moi-même et de pas mentir avec le projet qui est de faire un livre qui aille beaucoup plus loin […] que la simple anecdote, même si elle est douloureuse, […] pénible, […] moche, glauque.»

Qu'allait-il faire dans la galère Polanski, Frédéric Mitterrand ? Il n'a écouté que son cœur. On voit bien, par les quelques exemples ci-dessus, qu'il avait déjà «passé l'examen» de la pédophilie, et qu'il s'en était sorti sans dommage et avec sincérité. À présent, il apparaît comme le «protecteur» de Polanski.

J'aime les types qui ont du cran, qui sont capables de reconnaître leurs erreurs, mais qui savent également défier leurs adversaires. Frédéric Mitterrand, devant ce qui s'annonce comme une terrible campagne de calomnie, a démontré ces deux qualités. Je souhaite qu'il reste à son poste. Mais il doit s'attendre à des jours difficiles. L'extrême droite ne le laissera pas en paix.

Complément d'information 2.
Voici l'affrontement rude et républicain, entre Yves Michaud et Alain Finkielkraut ( France Inter, 8 h 40, 9 oct. 2009). Par Honnêteté, je dois dire que l'argument de la Shoah et du ghetto, utilisé par d'autres avant cette émission, ne m'a pas convaincu. Je ne crois pas nécessaire de convoquer cette horreur historique à propos de l'affaire Polanski. En revanche, il serait intéressant d'aller étudier la personnalité de ce juge américain… Ce matin même, Jean-Luc Mélenchon (qui n'est pas my cup of tea, mais auquel je reconnais un grand talent d'orateur et une vraie perspicacité), a dénoncé la campagne de haine contre Frédéric Mitterrand, et a rappelé, à son propos, le principe fondamental de la présomption d'innocence. Mélenchon n'est pas le genre de personnage susceptible de considérer aimablement la pédophilie.



60 commentaires:

Patrick Mandon a dit…

À la relecture, j'avoue ma confusion : j'ai cédé à la pression de l'actualité, j'ai alimenté de ma petite prose la grosse flaque d'eau saumâtre, dont je vois avec colère monter le niveau.
Faites-moi savoir votre opinion. Au besoin, je supprimerai cet article, sans doute inutile, et qui n'est pas dans l'esprit de ce blog.

Anonyme a dit…

Faites ce que vous voulez Patrick, il me semble pourtant que votre article a sa place dans votre blog. Il n'alimente pas le torrent boueux, il nous propose une reflexion sur la responsabilité de l'écrivain. Pour ma part, je soucris à tout ce que vous y dites.

Patrick Mandon a dit…

En fait, Lady N., je cherche quelque chose dans cette affaire, dont l'apparence me semble masquer le sens. Est-ce simplement l'écume d'un événement, qui prend son origine dans une simple décision politicienne (récupérer le nom de Mitterrand dans les rangs du gouvernement), ou s'agit-il d'une borne supplémentaire, qui signale la fin d'un monde ? Les mœurs privées n'ont que très légèrement affecté, jusqu'à présent, notre vie politique (bien sûr, il y eut quelques scandales, mais peu de choses, si l'on regarde vers d'autres pays). Alors, cette petite série de dénonciations a-t-elle une autre signification ? Le XVIIIe siècle européen nous regarde et s'étonne de nos agitations. Mais le XVIIIe siècle était «immoral».
La menace majeure est peut-être dans la réaction des détraqués sexuels, qui verront dans cette confusion artificielle et entretenue, créée par le FN et par quelques socialistes, une sorte de justification à leurs égarements. L'autre menace réside dans le sentiment d'une justice bafouée, à qui l'on désigne par avance, comme dans le procès Clearstream, les coupables, et à laquelle on soustrait des «privilégiés».

Anonyme a dit…

La fin d'un monde... Nous y sommes déjà Patrick. Ces soit-disants scandales sexuels le bornent peut être, mais nous renvoient bien loin du XVIIIème, léger,immoral et finalement révolutionnaire. C'est une réaction de plomb que je crains. Je n'aime pas cette atmosphère glauque de lynchage organisé, qu'il concerne Mitterrand le jeune ou Dominique de Villepin. Je l'ai vu à l'oeuvre au moment du 11 septembre, qui n'est pas que mon anniversaire. J'étais à l'époque en poste à Prague et les plus hautes instances ont littéralement pété les plombs. Pendant 3 jours, c'est lui qui a géré tout seul notre diplomatie et les chancelleries. Je ne risque pas de l'oublier. Ils ne sont pas si nombreux.

Patrick Mandon a dit…

Ce que vous nous dites de Villepin me réjouit et ne m'étonne pas. L'homme est d'un fameux métal. Son «affaire», au tribunal, est très sérieuse, mais, contrairement à ce que l'«on» espérait, il n'a cédé sur rien, et sa défense est impeccable. Rien n'a été clairement établi.
Oui, il y a une ambiance «de plomb» dans ce pays. Nous voulons absolument nous dégoûter de nous-mêmes. Mais avouons que cette semaine, la plus belle représentation aura été l'alliance «objective», comme disaient les staliniens, entre quelques socialistes pressés et le Front national. Cela aussi, c'est du «plomb».
So long, Lady N !

Emilie a dit…

Je comprends bien votre trouble, mais comme aurait dit notre cher 3P, l'affaire Mitterrand/Polanski est un symptôme et un symbole, celui de l'hyperclasse qui prétend être au-dessus des lois. Le peuple réclame seulement le respect de la justice républicaine et en a assez de ceux qui viennent leur donner des leçons au nom du politiquement correct et qui leur expliquent que ce qu'ils vivent au quotidien est faux et qu'ils doivent supporter ce qu'ils refusent. Il ne faudra pas s'étonner alors si, comme en 2002 (qui n'a pas servi de leçon), le peuple méprisé et malmené s'exprime dans les urnes!
Il y aurait beaucoup à dire aussi sur l'idéologie soixante-huitarde qui nous a pourri la vie, qui me poursuit depuis trente ans jusque dans mon travail à l'Education Nationale,et qui, se définissant au fond contre le principe de réalité, a tordu les esprits dans une dissociation qui frôle la schizophrénie !
Je ne vis pas dans une ambassade à Londres, Nadia, je suis en France, et j'ai du réel plein les yeux et la tête !

Emilie a dit…

lire :"les gens du peuple"....sujet des verbes au pluriel qui suivent !

Patrick Mandon a dit…

Ma cousine, Flaubert et la princesse ne vous auront donc point émue ! Il fallait, pour que vous consentissiez à revenir déposer un peu de votre grâce furieuse ici, un événement de cette trompeuse actualité.
D'une part, cela me navre, mais de l'autre, je suis heureux de vous retrouver, toujours aussi véhémente. J'ai, sur la marquise de Beauregard, des documents tellement secrets et épicés, que j'hésite à les publier. Je crains, par les temps qui courent, le dépôt d'une plainte contre moi pour atteinte à la vie privée.
Note : il nous serait utile d'avoir des lumières sur votre «vie réelle».

Anonyme a dit…

Mais chère Emilie, la vie dans le réel et celle des ambassades sont complémentaires. D'innombrables informations nous parviennent, nous les trions, les pressons et tentons d'en recueillir l'essentiel pour les retransmettre en tentant parfois d'influer sur le cours des choses. Comment pourrions-nous être en même temps chez Gordon Brown, David Cameron, au congrès national des tories, dans la city, la jungle, une usine occupée à Manchester, une école fermée pour cause de swine flu et bien sûr la chambre à coucher du prince Charles (le meilleur pour la fin) ? Nous sommes partout et nulle part. C'est un peu l'histoire de ma vie ça...

Patrick Mandon a dit…

J'ai ajouté un complément d'information, à la suite de l'article ci-dessus. Sur l'affaire Mitterrand, ma religion est faite : il ne mérite pas l'opprobre, ni le rejet. Il a courageusement fait le bian de sa «mauvaise vie». Restent les prolongements politiques : tiendra-t-il ?

Anonyme a dit…

Votre dernière phrase résume toute l'affaire. C'est bien l'extrême-droite qui est derrière "l'affaire", conforme à sa tradition de l'entre-deux guerres et de la guerre, Marine le Pen se pose en digne héritière de Je suis partout et autre torchon répugnant. Contrairement à d'autres, je ne vois pas ici une dérive "à l'anglo-saxonne", un lynchage médiatique puritain. C'est notre bonne vieille extrême droite qu'on retrouve ici dans ces basses oeuvres qu'elle affectionne. Cela me donne la nausée.
Avez-vous lu le courageux article de Jérôme sur Roman P ? Il est un des très rares, avec Finfielkraut, à avoir eu le courage de cette position. C'est son propre camp à lui qui ne le lâchera pas. Décidément, c'est ici et chez lui qu'il faut être.

Corinne a dit…

Je pense que ce n'est pas l'écrivain qui est traqué mais l'homme politique.. Je rejoins Emilie, ô combien ! Ce qui me dérange, c'est que notre vie réelle soit entre les mains de gens qui n'en n'ont au mieux qu'une vague idée. A part quelques exceptions comme Fadela Amara qui sait de quoi elle parle.

Bonne soirée.

Patrick Mandon a dit…

Je sors de différents sites et blogs. Il y a comme une émeute populacière encore à l'état numérique, mais pour combien de temps ? Quand descendra-t-elle dans la rue ? Veut-elle, cette lie mugissante, que Frédéric Mitterrand se suicide, pour apaiser sa sale colère de frustrée ?
L'attitude de Roman Polanski, je l'avoue, me plaît moins. Mais, devant cet océan de haine qui se lève, je l'associe entièrement à la solidarité que j'exprime à Frédéric Mitterrand. La question que pose le cas de Polanski est celle du droit. En France, il y aurait prescription. Et je suis favorable à la prescription. C'est la seule manière d'imaginer la justice dans une société. Bien sûr, je parle de la société ; pour les individus, il en va autrement. Par exemple, je ne suis pas certain de pouvoir pardonner ; je pourrais éventuellement chercher à me venger, mais, agissant ainsi, je trouverais normal et juste de passer devant un tribunal.
Mais enfin, la situation dans laquelle se retrouve aujourd'hui Fréd. Mitterrand est parfaitement injuste, dangereuse, et très révélatrice de la montée des pires sentiments dans notre société. Tout cela devient sérieux, soudain.

Patrick Mandon a dit…

Corinne, ce que vous dites est très juste, mais, au moment où nous parlons, la situation a totalement changé. Nous risquons une brusque poussée de très mauvais sentiments et d'actes déplaisants, da la part d'agitateurs et de politiciens faussement affligés.
L'écrivain et l'homme se sont avancés ensemble, lorsque le livre a paru. Je redis que l'écrivain a fait non seulement une œuvre littéraire, mais aussi un acte courageux : il a révélé sa part d'ombre, il a levé le voile, il a accepté sa propre chute. Il a retiré son masque.

Corinne a dit…

Bonsoir Patrick
Courageux certes, mais alors il ne doit pas s'étonner, en homme intelligent, du retour de bâton, tardif, certes, mais prévisible. Soit c'est un grand naïf, soit croyait-il que son nom et son talent le préserverait.. La politique est décidément un milieu que j'exècre. Les carriéristes y sont légion. Frédéric Miterrand lui sortait du lot, il a avoué lui-même (chez Ruquier cette semaine) avoir écrit ce livre pour ne pas être etiqueté politiquement, déjà il signait son arrêt de mort, politique s'entend. Mais c'était sans compter sur Sarkozy, qualifié de peu regardant pour les uns, très ouvert pour les autres. S'il n'avait pas eu de quoi largement subvenir à (tous) ses besoins, et ce nom de famille, qui serait-il aujourd'hui ?

Patrick Mandon a dit…

Chère Corinne, le «retour de bâton» est tenue par une main injuste. On lui reproche sa pédérastie, alors que, précisément, il s'était largement expliqué sur ce sujet, au moment de la sortie de son livre, c'est à dire bien avant le scandale, fabriqué, qui l'accable aujourd'hui. Dans le complément d'article que j'ai donné, ci-dessus, il se défend de toute de toute pratique pédérastique. Il est homosexuel, il aime les «garçons», comme il dit, c'est à dire, de préférence, les hommes jeunes.

Corinne a dit…

Je suis aussi persuadée qu'il n'est pas pédophile et que ce procès qu'on lui fait est, comme vous le dites, injuste et odieux. Mais il y a tant d'injustices en ce bas monde qui n'émeuvent personne ! Au contraire, on veut faire passer les bourreaux pour des victimes. Donc concernant cette affaire,croyez bien que je compatis, jusqu'à un certain point. Ma compassion est devenue sélective.

Patrick Mandon a dit…

Votre mise en perspective des malheurs du monde, chère Corinne, est bienvenue. Il se trouve que l'affaire Mitterrand secoue notre société, et qu'elle révèle le profond malaise qui la mine. Je ne veux vraiment pas faire le malin dans cette circonstance, je n'ai aucune recette, aucune conviction. J'aime bien qu'on me surprenne et qu'on m'apprenne. Et j'ai souvent besoin d'une bonne leçon de «réel». Il n'empêche, Fred. n'est pas coupable du crime dont les mauvais esprits de notre temps l'accuse.
Un autre jour, je vous parlerai de mon amour des animaux et de mon accablement devant le traitement qu'on leur réserve.

Emilie a dit…

Finkielkraut m'a beaucoup déçue. Heureusement, Yves Michaud a très justement rappelé que nul ne peut se soustraire à la loi. Je regrette, mais invoquer le ghetto de Varsovie pour l'excuser me parait tout à fait hors de propos. Ajouter que la fille avait déjà eu des relations sexuelles pour minimiser la faute, c'est du plus mauvais goût.

Quant à Mitterrand, je ne crois pas qu'on lui reproche son homosexualité. On parle plutôt de tourisme sexuel avec des "gosses", selon les propres termes de l'écrivain. Mais c'est surtout sa réaction dans l'affaire Polanski qui a créé le malaise dans l'opinion, parce que force doit rester à la loi,que l'on soit artiste de renom ou simple citoyen.C'est une réaction assez saine au demeurant, mais on nous dit que c'est mal, que ça fait peuple, que c'est une faute de goût qui vous classe automatiquement à l'extrême droite !

Emilie a dit…

Une seule question: pourquoi la Thaïlande ? Tout le monde connait la réponse.

Patrick Mandon a dit…

Émilie, vous êtes ici chez vous. Vous pouvez y apporter librement votre contradiction.

Emilie a dit…

Ce qui me gêne, c'est que ceux qui se disent offusqués par la meute hurlante, ceux qui croient appartenir au camp du Bien, ceux qui distribuent des points Godwin, par une sorte de défaut de vision qui les aveuglent, sont ceux qui, parce qu'ils défendent l'indéfendable, contribuent à banaliser la pédophilie, à soutenir une justice de classe, à mépriser le peuple dont ils prétendent être solidaires. Qu'y a-t-il d'honorable, de glorieux ou d'humaniste "de gauche" dans cette position tordue ?

Emilie a dit…

"qui les aveugle"

Patrick Mandon a dit…

Chère Émilie, je suis «offusqué par la meute hurlante», mais je ne crois pas «appartenir au camp du bien». Je ne souhaite nullement «banaliser la pédophilie», je n'aime guère la «justice de classe», je ne «méprise pas le peuple», dont par ailleurs, je ne prétend point «être solidaire». Enfin, je ne suis vraiment pas «de gauche».

Anonyme a dit…

Il me semble que si Polanski avait été un citoyen lambda, la justice américaine ne se serait pas acharnée à aller le cueillir en Suisse 32 ans après les faits. Etre connu, artiste et juif a plutôt joué ici en sa défaveur. Je dis juif à bon escient, par tout ce que ce mot peut parfois sous entendre dans certaines bouches d'apatride, de cosmopolite et de douteux.
Sinon, méfions-nous toujours des tentations populistes et poujadistes tendant à opposer les "petits" aux "puissants". Il n'en est jamais rien sorti de bon.

Corinne a dit…

Si Polanski avait été un citoyen "lambda" il n'aurait pas pu fuir en Suisse, et n'aurait pas eu ces soutiens par pétition interposée des gens de son milieu.
Quant à se méfier, mais de quoi ? Moi c'est du terrorisme intellectuel des "humanistes" qui voudrait faire passer des vessies pour des lanternes dont je me méfie.
Le populisme, encore un mot à la mode, mais le peuple n'a pas bronché pour l'instant, c'est une guerre entre l'extrême droite et le pouvoir en place, ils veulent récupérer leurs voix, ça ne fait illusion pour personne. Ceux qui reprendront leur carte au FN grâce à ce battage y seraient revenus de toute façon. Le peuple effraie surtout les ennemis du peuple.

Emilie a dit…

Pourquoi le fait "d'être connu, artiste et juif" devrait-il jouer en faveur de Polanski ? Car c'est bien ce que "les puissants" ont dit, c'est bien le message que le peuple a compris en même temps que lui est apparue cette évidence : les politiques, les journalistes, les artistes appartiennent bien au même monde, à cette nouvelle aristocratie (artistocratie disait Muray) qui le méprise et qui s'octroie des privilèges et des passe-droits.

Ce sont les puissants qui se sont eux-mêmes et sans vergogne, naturellement, opposés au peuple qui se rappelle la fable de La Fontaine :"Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir."

La "cour" a montré à quel point elle était coupée des réalités.
Et que voit le peuple, qu'entend le peuple ? Marine Le Pen (et quelques jeunes loups du PS) qui semblent avoir gardé les yeux ouverts.
Ah mais, quelle horreur, on s'émeut, on s'indigne, on évoque les heures les plus sombres etc...cherchant à prouver par là que la cause du peuple n'est pas bonne, et comme d'habitude, on confond causes et conséquences !

Car si le peuple ne se retrouve que dans le FN, à qui la faute ? N'est-ce pas à cause de tous les autres qui refusent d'entendre la vox populi, parce qu'elle est, selon eux, méprisable ? Alors, continuons ainsi, continuons à expliquer au peuple que l'insécurité est un fantasme, que l'immigration ne pose de problèmes qu'aux vilains racistes, comme on lui explique que Polanski n'a rien fait de mal et que FM allait en Thaïlande pour rencontrer des boxeurs de 40 ans,et que les violeurs soutenus par le ministre de la culture n'ont fait selon ses termes et dans la novlangue habituelle, "qu'une grosse connerie", alors qu'il s'agit d'un crime, c'est la loi qui le dit!

Mais alors qu'on ne s'étonne pas, après tout cela, des scores du FN !Je pense qu'on a vraiment trop fait bouffer du politiquement correct au peuple, le retour de bâton sera terrible !

Emilie a dit…

L'Etat est le plus froid des monstres froids. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s'échappe de sa bouche : "Moi l'Etat, je suis le peuple."
Friedrich Nietzsche (Ainsi parlait Zarathoustra)

Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs.
Robespierre

Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple.
Bertolt Brecht

Les peuples qui n'ont plus de voix n'en ont pas moins de la mémoire.
Benjamin Constant

Le peuple n'a jamais eu autant de pouvoir que sur Internet.
Valentin Lacambre ( magazine Transfert - Octobre 2000)

Corinne a dit…

Patrick je vous avoue que je ne crois plus en grand-chose. Toutefois lorsque le chat qui a élu domicile chez moi me regarde de ses jolis yeux d'or puis viens caler sa tête au creux de ma main et que je l'observe dévorer les souris avec cette cruauté innocente - parfois il me les amène en guise de reconnaissance sans doute, j'ai dû camper devant un meuble où l'une d'elle à moitié morte s'était réfugiée, mais à sa sortie, mon monstre l'attendait- je me dis qu'après tout chaque chose est à sa place.

Corinne a dit…

"vient" c'est mieux.

Patrick Mandon a dit…

Corinne, votre dernier message m'amène tout naturellement à me dire qu'il vaut mieux, accueilli chez vous, être chat plutôt que souris. Non pas parce que celle-ci risque de finir en bouilli de chat, mais parce que celui là a la chance de pouvoir «caler sa tête au creux de {votre] main».

Patrick Mandon a dit…

Je viens d'ajouter un complément d'information, à la suite de l'article «Frédéric Mitterrand».

Patrick Mandon a dit…

Je suis allé voir ailleurs. Je préfère ici. Je vous remercie, Mesdames, Mesdemoiselles de la qualité de vos propos.

Patrick Mandon a dit…

Blog de Jérôme Leroy : Nadia, dans sa réponse à un «agresseur» qui lui reprochait, à propos de Polanski, sa préférence «communautariste», a répondu ceci : «Si je me sens proche d'une communauté, c'est celle des Juifs morts (déportés pendant la guerre)».
Depuis l'enfance, lorsque l'un(e) de mes ami(e)s démontre une telle vivacité d'esprit et tant d'émotion contenue, je me sens heureux et meilleur.
Précision : dans mon enfance, très lointaine, mes ami(e)s n'étaient pas numériques.

Emilie a dit…

Finkielkraut aurait mieux fait de se taire.Il s'agit tout de même d'exploitation sexuelle de jeunes gens pour les uns, de pédophilie et de viol pour les autres et l'on s'insurge contre les aboiements de la meute ? On nous dit tout naturellement que la jeune fille de 13 ans, parce qu'elle posait pour des photos, dévêtue, l'a bien cherché, que cela donnait le droit à un homme de 45 ans de la droguer et de la violer. Et l'on se choque du lynchage. Le monde à l'envers !

Mais on se fiche de FM et de RP, le seul et véritable intérêt de cette affaire est de montrer en pleine lumière le vrai visage de la bien-pensance soixante-huitarde qui passe son temps à nous donner des leçons de morale.C'est ce terrorisme-là qui est l'objet du lynchage. Je trouve cela extrêmement savoureux, figurez-vous.

Corinne a dit…

Emilie vous avez de la chance, moi ça me donnerait plutôt la nausée.
Concernant Fred. Miterrand, en bon chat je suis persuadée qu'il saura retomber sur ses pattes.
Concernant l'article de J. Leroy, c'est lui qui implique le judaïsme de Polanski comme étant la source de ses déboires, la victime, c'est lui. Faut-il ensuite s'étonner des réactions anti-communautaristes ? Entre amalgames des uns et des autres et récupérations politiques, mais jusqu'où tout cela ira-t-il ?

Patrick Mandon a dit…

Émilie est vraiment très remontée. Sa colère signale une fureur ancienne, qui se réactive par les faits rapportés dans ce fil. Mais, permettez-moi, chère Émilie, de vous exprimer mon désaccord. Lorsque Daniel Cohn-Bendit nous fit connaître ses émotions dès qu'une petite fille (ou un petit garçon) s'approchait de son intimité, il représentait, en effet, l'«esprit de mai 68». Pour Roman Polanski, il en va autrement. Le cinéaste a reconnu son attirance pour les jeunes filles. Apparemment, il y aurait cédé. C'est une chose hélas banale, ici et ailleurs. En agissant ainsi, il n'incarne qu'une des formes de la pédophilie, sans doute plus aisément admise dans des cercles artistiques que dans la société ordinaire. Les scandales sexuels, y compris ceux impliquant des enfants, ont éclaboussé Hollywood dès que les premiers studios s'y sont installés. Si l'on peut dire que Cohn-Bendit a bénéficié de l'effet mai 68, et que ses «exploits» sont d'essence «libéral-libertaire», on ne saurait l'affirmer pour Polanski. Ses actes ont immédiatement été rendus publics. j'ajoute qu'ils remontent à une trentaine d'années. En France, puisqu'il n'a pas récidivé, il y aurait prescription. La justice considère que vient un moment où l'auteur d'un acte criminel, s'il n'a pas reproduit cet acte, doit être laissé avec sa conscience. Il arrive que des criminels se dénoncent, parce qu'ils ne supportent plus le poids de leur faute. Je suis favorable à cet aspect de la justice, je n'aime pas l'acharnement américain, dans la mesure, évidemment, où il n'y a pas eu récidive.
Quant à FM, ma chère Émilie, vous ne trouverez nulle trace d'aveu d'un acte pédophile, ni dans ses propos antérieurs au scandale présent, ni dans son livre «La mauvaise vie».
Pour ma part, je n'ai qu'un mauvais souvenir relatif à FM : lorsqu'il a déposé son 7 d'or à terre, pour dénoncer «le niveau où était tombé le service public de la télévision». En agissant ainsi, FM mêlait sa voix raffinée aux chacals qui suivaient le PDG, Philippe Guilhaume présent à la soirée. Peu de temps après cet événement, Philippe Guilhaume, victime d'une cabale, était contraint à la démission. Il sombra ensuite dans une grave dépression. Il est mort l'année suivante…

Corinne a dit…

Pour Polanski, éclairage juridique d'un avocat, notamment sur la prescription : http://www.maitre-eolas.fr/post/2009/09/29/Quelques-mots-sur-l-affaire-Polanski

Corinne a dit…

J'interviens encore juste pour donner une précision faite par un commentateur du lien de l'avocat, qui semble plus à jour sur les prescriptions et le droit californien :

1. La loi californienne prévoit une prescription de 10 ans pour des faits de viol sur adulte. Les faits de viol sur mineur connaissent une prescription jusqu’au 28e anniversaire de la victime.
2. Les faits n’ont été requalifié en abus sexuels sur mineur de 13 ans (§261.5) que par le jeu du plaider-coupable. Plusieurs chefs d’inculpation (cinq au total) dont celui de viol pesaient initialement sur Roman Polanski.
3. Roman Polanski ayant plaidé coupable, seul le quantum de la peine restait à être déterminé. Le prononcé de celle-ci a été suspendu jusqu’à la comparution de l’intéressé devant un tribunal californien, obligatoire selon le droit applicable.
4. La culpabilité pour “unlawful sexual intercourse with a minor” commise par un adulte âgé de plus de 21 ans est acquise. Il n’est en principe pas possible de la contester, fût-ce en appel, sauf à se prévaloir du Writ of Habeas Corpus. Notons au passage que les peines applicables sont soit un an de prison dans un établissement pénitentiaire local (County Jail) soit une peine allant jusqu’à quatre ans dans un établissement d’état (State Prison).
5. Sauf erreur, le droit californien ne reconnaît que la prescription de l’action au détriment de la prescription de la peine. Mais le prononcé n’étant pas effectif, la décision non acquise, nous sommes certainement encore sur le terrain de l’action. Le renouvellement du mandat d’arrêt international était par conséquent indispensable pour interrompre la prescription.

Patrick Mandon a dit…

Corinne, sur vos recommandations, je me suis rendu sur le blog de Me Eolas. L'homme ne manque pas d'humour, et il connaît son affaire. Bon, il ne me paraît favorable ni à Polanski ni à Frédéric Mitterrand, mais enfin, il exprime le droit.
Merci, chère amie, si câline aux matous.
http://www.maitre-eolas.fr

Patrick Mandon a dit…

Chère Corinne, intervenez autant de fois que vous le souhaitez.

Anonyme a dit…

Patick, j'aurais été heureuse de vous compter parmi mes amis d'enfance non numériques. Je suis heureuse de vous compter parmi mes amis tout court.

Les soutiens de Polanski ne lui ont pas été très utiles et se sont plutôt retournés contre lui. Juridiquement, ses actes sont prescrits en droit français. Fort heureusement, depuis 32 ans, il n'a pas approché une mineure. Je n'aime pas pas les lynchages organisés, je n'aime pas l'extrême droite, je ne suis pas à gauche. Mais je constate que les artistes sont toujours en première ligne.

Emilie a dit…

Chère Nadia,si les artistes sont en première ligne, c'est qu'ils s'y placent eux-mêmes. C'est la rançon de la gloire et de leur avidité de reconnaissance.

Cher Patrick, vous avez peut-être raison, mais je n'ai pas tort. Pour moi, que Marine Le Pen soit mêlée à cette affaire n'a strictement aucune importance.

Patrick Mandon a dit…

Nadia, n'est-ce pas, en droit français, puisque Polanski ne s'est plus penché sur une jeune fille depuis ce navrant fait divers (grave, en effet), son affaire serait close !
Cela dit, je n'approuve pas Finkielkraut quand il convoque la tragédie de la Shoah pour nier l'évidence de l'acte pédophile. Les deux choses ne sont aucunement liées, bien sûr.
À bientôt, numérique amie.

Emilie a dit…

En effet Nadia, quel rapport entre le fascisme et le fait d'être révulsé par la pédophilie ?

Patrick Mandon a dit…

Ma très chère et ravissante, et encore colérique Émilie, je crois tout de même que cette intrusion lepéniste dans le débat n'est pas due au hasard. L'accusation «frontale» (ou «frontiste») d'une aussi grave infamie, sans preuve évidente, relève bel et bien du procédé d'extrême droite. Quant aux vieux-jeunes loups du PS, je les trouve pathétiques.
En revanche, je vous suis (me permettez-vous de vous suivre, à distance respectable ?), sur les références à la Shoah et à Cracovie de la part de Finkielkraut, d'habitude mieux inspiré. Il n'existe aucun rapport de cause à effet entre son enfance terrifiée et son amour excessif des très jeunes filles.
Le reste est affaire de droit. Je vous suis toujours, Beauregard, cela ne vous importune pas, j'espère ?

Anonyme a dit…

En droit français, l'affaire serait prescrite depuis 12 ans puisque les crimes jugés sont prescrits après 20 ans. La shoah n'excuse pas Polanski bien sûr, mais on prête si vite aux juifs inévitablement cosmopolites et apatrides des pratiques troubles et des tendances invouables. Comme les homosexuels sont tous désormais des pédophiles en puissance. Réécoutez Hamon, il ne dit pas autre chose. Pas Marine le Pen bien sûr, je suppose qu'aucun d'entre vous n'a envie de se replonger dans les oeuvres complètes de Jacques Doriot.

Patrick Mandon a dit…

Doriot, j'en parlerai peut-être un jour. Je crois qu'Émilie veut nous signifier le divorce total entre le peuple français et ses élites, qui semblent disposer des lois à leur avantage. Nous pouvons en parler. Je vous remercie vraiment, toutes trois, du soin que vous prenez de ce blog.

Emilie a dit…

Ce qu'en pensent les homos. Sur le blog "Chapitre 11"


"Finalement, la défense de Frédéric Mitterrand sur TF1, à part celle de la dramatisation, fut de dire que toute cette affaire avait pour origine sa souffrance d’homosexuel. Il n’a pas dit que c’était l’homosexualité, mais nous sommes habitués à voir, à travers son éloquence, les mots qui nous intéressent. Plusieurs fois, il l’a répété, prétextant une certaine modestie, dans le genre « Je ne vais pas vous embêter avec mes histoires, mais… ». Alors, si Frédéric Mitterrand, en tant que privilégié social et culturel, utilise lui aussi la souffrance pour expliquer ses écarts de comportement, il est clair désormais que tout le monde a le droit de le faire. Si une folle (et chez moi ce mot n’a rien de caricatural) comme lui a souffert parce qu’en tant qu’homosexuel, il ne s’est jamais aimé, alors imaginez la souffrance d’un apprenti boulanger gay de 18 ans.

C’est un procédé que nous connaissons désormais trop bien. Les hommes politiques et les célébrités s’échangent le registre émotif de leurs interventions, pour attirer l’attention, et faire diversion. Ils utilisent la dignité et la vie privée pour revenir sur le devant de la scène, pour vendre des livres, ou tout simplement pour faire parler d’eux. Leurs éditeurs les encouragent à révéler ce qui est le plus borderline, car tout document doit désormais comporter un chapitre (en général le onzième dans le plan du livre) qui doit aborder le vrai sujet du caca. Un article récent du New York Times expliquait ça, mais il y a plein d’autres articles qui ont décortiqué cette recette, puisqu’elle est désormais internationale. Pendant ce temps, la politique avance, sous couvert de diversions médiatiques.

Donc les artistes du divertissement abordent des sujets graves tels que le viol, l‘inceste, la maltraitance, la maladie, la mort. Et les hommes politiques font la roue sur les plateaux télé, racontent des histoires qui les mènent dans l’intimité de Lady Di, ou à l’arrière-plan de Liza Minnelli. Le problème, comme le révèle Alessandra Stanley dans « Going all-out to stage a comeback » (30 septembre 2009), c’est que le prix à payer est de plus en plus élevé. C’est une inflation dans la révélation. En 2005, on trouve tout à fait remarquable de raconter qu’on est allé en Thaïlande pour s’amuser tout en ramenant une culpabilité flatteuse. En 2009, le voile tombe car, forcément, la Thaïlande n’est pas la destination rêvée quand on veut rencontrer des joueurs de boxe de 40 ans. Si c’est ça qu’on cherche, on va en Turquie et god knows que là-bas les lutteurs moustachus s’enduisent d’huile d’olive, c’est plus crédible."

La suite, fort intéressante est là :
http://didierlestrade.blogspot.com/2009/10/le-chapitre-11.html

Corinne a dit…

Patrick, merci. Je vous tends la main en toute réelle bien que numérique amitié.
En droit français, la peine infligée est beaucoup plus lourde que un à quatre ans de prison comme c'est le cas en Californie, ici c'est 20 ans de réclusion.
Et le délai de prescription chez nous est de 20 ans à partir du jour où la victime est majeure.

Patrick Mandon a dit…

Émilie, Émilie ! Votre superbe analyse sur les privilèges de l'«hyperclasse» est juste, cohérente, puissante, mais enfin votre cible n'est pas la bonne. FM n'a pas bâti sa propre statue avec la boue à laquelle vous faites allusion. Il a intitulé son livre La mauvaise vie, et non pas La bonne vie. il n'a pas voulu qu'on le suive, qu'on prenne exemple sur lui. Son récit est accablant. Toutes les atmosphères qu'il révèle sont putrides. Je me méfiais, au moment où il l'a publié : le personnage ne me déplaisait pas, mais son style boursouflé habituel ne me disait rien. Je redoutais Au vrai, c'est un écrivain. Il a «tourmenté» sa réalité, mais il n'a pas recouru aux artifices de communication que vous évoquez.

Patrick Mandon a dit…

Sur les conseils de l'hypercritique Émilie, je suis allé sur le blog de Didier Lestrade. Je reconnais que sa démonstration est impeccable, et d'une grande sincérité. Néanmoins, chère Émilie, il n'accuse pas FM de pédophilie. Je me suis permis de prélever une partie de son texte, que voici :
«Derrière cette affaire, il y a encore notre rapport au capitalisme, à la consommation, au traitement des autres ethnies. Et le tourisme sexuel, il faut vraiment insister sur ce point, ne concerne pas uniquement les mineurs. Je suis persuadé que Frédéric Mitterrand n’est pas pédophile, mais je me doute qu’il est comme beaucoup d’homosexuels de sa génération, et de ma génération : émerveillé par la beauté des hommes jeunes. Quand on fait du tourisme sexuel, on est forcément plus riche que le tapin du coin, qu’il soit à Sao Paulo, à Puerto Rico, ou en banlieue parisienne. On participe à la colère imposée par un système basé sur une suprématie sociale. Et ça, si on n’est pas capable d’en parler dans les médias gays, dans les associations gays, alors que cela a provoqué (et encore aujourd’hui) des débats et les commentaires interminables dans les médias généralistes et sur Internet, alors cela veut dire que la réflexion s’arrête aux portes de la communauté gay. Est-ce que ces débats doivent seulement apparaître dans les échanges des internautes gays qui parlent grâce à l’anonymat ? Ou ces questions doivent-elles être reprises par des journalistes gays, des leaders associatifs gays qui doivent relayer ces questions auprès du reste de la société ?


Il y a 20 ans, lorsque j’ai créé Act Up, je me suis trouvé à faire de nombreuses émissions télé pour présenter l’association. J’étais sincèrement reconnaissant lorsque je montais sur le plateau d’une émission comme celle de Frédéric Mitterrand. Mais, c’est étrange, je me rappelle très bien aussi le regard froid, distancié, de ces homosexuels célèbres qui m’invitaient à parler. Bien sûr, ils aidaient la cause militante en ouvrant la télé à la lutte contre le sida, en invitant Act Up. Mais je voyais bien dans leur regard, avant et après l’émission, un certain dédain mondain alors que moi, naïvement, je les regardais comme un benjamin homosexuel regarde un aîné homosexuel : avec respect. J’ai vite appris que leur distance journalistique n’était que du mépris. Act Up n’a reçu aucun encouragement de leur part. C’est longtemps après, quand il est devenu évident qu’Act Up ne disparaîtrait pas, qu’ils ont commencé à formuler, avec prudence, leur soutien. D’autres ont mis main basse sur l’activisme. Mais ces homosexuels sont restés majoritairement dans le placard, offrant le strict minimum à la cause gay.


Alors, aujourd’hui, on les défend. Des groupes se forment sur FB pour laver leur honneur. Les homosexuels ont peu de mémoire, ils protègent tous ceux qui ont vécu au chaud, loin du militantisme, dans la culture, dans l’art, dans l’argent. Ces défenseurs des artistes appellent à eux le soutien de tous ceux qui se considèrent comme des artistes – et ils sont nombreux. Car l’artiste souffre, c’est connu. Il sublime, c’est connu. Il n’a pas de compte à rendre, c’est connu. Et la Thaïlande est méga célèbre pour ses boxeurs gays consentants de 40 ans. Comme dit Daniel Schneidermann, c’est « s’engluer dans le mensonge ».
Je vous engage, après Émilie, à rendre visite à ce blog.

Emilie a dit…

Mais mon cher Patrick, si je vous ai conseillé cet article, c'est que je l'avais lu !
Pédophilie ou non, ce qui m'importe le plus, c'est la morgue de cette caste donneuse de leçons. C'est là que se trouve la raison de la colère publique, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. C'est cela qu'il convient d'analyser comme un signal d'alarme du ras le bol, plutôt que comme un retour du fascisme, cette ficelle du terrorisme intellectuel qui est depuis longtemps utilisée par nos bienpensants, et qui est usée jusqu'à la corde.
Pour ma part je ne vois qu'une meute, celle qui comme d'habitude hurle au fascisme,c'est à dire celle des politiques, des artistes et des journalistes complices lèche-bottes du pouvoir. Cette affaire révèle la fracture entre le peuple et eux.

Anonyme a dit…

France d'en haut contre France d'en bas, fracture sociale, ce sont des expressions dont je me méfie. Elles portent en elles suffisamment de poujadisme ou de démagogie pour devenir véritablement dangereuses. FM n'est pas un saint, cela se saurait, mais le procédé employé par Marine le Pen l'autre soir, ce livre brandi, un homme obligé de venir expliquer au 20 heures qu'il n'était pas un pédophile, me mettent très, très mal à l'aise. Cela rappelle d'autres campagnes, d'autres livres brandis, d'autres artistes mis au pilori.

Emilie a dit…

Je comprends parfaitement vos peurs, très chère Nadia, mais je vous assure, la vraie démagogie c'est ailleurs que je la vois, bien plus insidieuse et dangereuse. L'état de l'école en est la preuve éclatante car c'est le résultat de trente ans de la bienpensance égalitariste qui a lavé, détruit les cerveaux.

Tiens, un exemple récent: dans le cadre de cette nouvelle discipline destinée à donner des points aux bacheliers, les "Travaux Personnels Encadrés", je travaille en binôme avec mon collègue d'Histoire-Géo, pour justement "encadrer". Un groupe d'élèves manifeste son désir de prendre pour sujet "la guerre d'Algérie". Le collègue grimace.Pourquoi, lui dis-je ?Il me répond que c'est un sujet trop polémique et que le jury pourrait ne pas apprécier une vision qui ne serait pas conforme à la doxa, entendez par là qu'il ne faudrait pas parler, à côté des erreurs commises, bien sûr, des bienfaits (avérés et reconnus par nombre d' immigrés d'aujourd'hui en France, car je parle avec eux !) de la colonisation sur la mise en valeur du pays, la santé ou l'instruction des "indigènes"...Repentance et flagellation, les deux mamelles de la France !

Emilie a dit…

AUTO-flagellation, bien sûr ! Ne rêvons pas !

Anonyme a dit…

Mais je comprends et approuve votre inquiétude face aux lignes officielles qui interdisent la reflexion et l'esprit critique.
Pas plus que vous, je n'aime l'histoire revisitée. Dans ces "affaires" qui secouent notre pays en ce moment, c'est le côté haro sur le baudet, lynchage organisé qui me gêne. Je n'approuve pas plus le viol d'une jeune fille (?!) que le tourisme sexuel (re ?!), mais je m'interroge sur les arrière-pensées des uns et les methodes de dénociation des autres.

Emilie a dit…

Nadia, ceux qui obligent à revisiter l'Histoire, ce sont les mêmes que ceux dont on parle !

Anonyme a dit…

Polanski et Mitterrand ? Moi je me contente de parler de ces deux là.

Emilie a dit…

La même clique, la même troupe.