vendredi 29 janvier 2010

Requiescat in pace !

Le Pacha, film de Georges Lautner (1968), m'avait beaucoup plu, alors qu'à l'époque, je ne jurais que par la Nouvelle Vague. J'en avais trouvé le montage très nerveux, très incisif. Je l'ai revu depuis, et je ne me dédis point, au contraire, je l'encenserai avec plus de vigueur.
Jean Gabin, inspecteur divisionnaire, pour venger la mort de son ami d'enfance, incarné par Robert (dit Bob) Dalban, s'intéresse à la vie privée de ce dernier, et lui découvre de dangereuses et inattendues fréquentations.
Deux remarques : Bob Dalban est retrouvé mort dans un appartement merveilleusement situé, place des Pyramides, d'où l'on plonge sur le jardin des Tuileries, et d'où l'on voit couler la Seine. Il se trouve que, bien des années plus tard, j'ai eu l'occasion de me trouver dans cet appartement…
Dans Le Pacha, on suit Gabin dans de belles pérégrinations parisiennes. On croise la charmante Dany Carrel, sa chair dense, son air amusé, Germaine Delbat, Louis Seigner, André pousse, Jean Gaven, très élégant, Frédéric de Pasquale, André Weber, un grand second rôle que Gabin aimait bien, Félix Marten, acteur négligé mais excellent, Henri Déus, Dominique Zardi, Serge Sauvion, Henri Cogan, Henri Attal, tous talentueux «emplois» de l'ancien cinéma français, auxquels je rendrai quelque jour l'hommage qu'ils méritent.
Une scène du Pacha m'avait littéralement épaté : au fil de son enquête, Gabin est conduit à interroger un musicien. Ce dernier, guitariste (André Weber, que vous allez voir dans l'extrait ci-dessous), se trouve dans un studio ou Gainsbourg enregistre la chanson… du film, «Requiem pour un con». Gabin, massif, silencieux, un mufle de lion en guise de masque, observe derrière la vitre : la musique commence sur des percussions, puis suivent la voix de Serge, les paroles, superbement accordées à l'atmosphère. Ce fut une excellente idée de tourner cette scène, où Gabin croise Gainsbourg, à la manière de deux mondes indifférents, assurément étrangers l'un à l'autre. Gabin s'éclipse, malgré son énorme présence, les années Gainsbourg commencent…
Je vous parle de Gainsbourg sur ce mode, parce que je n'irai pas à la projection du biopic qu'on nous propose aujourd'hui, et puis parce que Gainsbarre ne m'intéresse guère. Qu'il repose en paix, Serge ! Cet homme raffiné, qui adorait la langue française, connaissait la littérature classique et ne se prenait pas pour un poète mais pour un artisan (surdoué !). Je veux me souvenir de notre ami commun, le boulanger de la rue Saint-Dominique, et fredonner pour moi-même La javanaise, Mélodie Nelson, tant d'autres, et ce bijou, ce diamant oublié au fond d'une poche : La noyée
Enfin, cette dernière perle, trouvée dans une huître de caniveau, L'accordéon, que Serge interprète en compagnie d'un autre talentueux, Philippe Clay.





4 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour Philippe Clay, grand pierrot lunaire dont on ne parle plus beaucoup. Quant à Gainsbourg... indispensable, incontournable. surtout la Javanaise et Marilou. Et lady Héroïne, redécouvert il n'y a pas longtemps.

Corinne a dit…

La dernière image de la scène où Gainsbourg croise Gabin dans le rai de lumière de la porte, très fort, deux monstres sacrés, l'un assumé l'autre pas, on peut difficilement trouver deux personnalités plus opposées ! Et le regard du beau Serge, comme un défi.
De Gainsbourg, le poinçonneur des Lilas, la Javanaise, et les dessous chics par Birkin... et beaucoup d'autres ! Mais merci pour "la noyée", qui m'était totalement inconnue.

Pierre a dit…

Ah oui merci pour Philippe Clay. Un "Cassius" dans son genre! Il a chanté "la gamberge" de Jean Yanne (vous allez me dire que je n'ai que ce nom là à la bouche, et vous auriez raison)formidablement bien. Ici, son duo avec Serge Gainsbourg est extraordinaire. On dirait des frangins!

Patrick Mandon a dit…

Des frangins, Pierre, vous ne croyez pas si bien dire : ils étaient liés par une longue et forte amitié.
Vraiment, Philippe Clay, dont j'ai vu le dernier récital, fut un éblouissant interprète. Et quel comédien ! Comme Serge, il avait appris son métier du music hall dans les petites salles et dans les cabarets. Deux artistes du «monde d'avant».