mardi 29 juin 2010

Frère de nuit

Écrire ! Écrire des vers, de la prose, filtrer les sentiments qui nous traversent, les contraindre à la loi de la simplicité, de la précision, de la règle légère…
Il y a longtemps que je l'aime, ce Francis-là ; frère sentimental, confident des mélancolies, pourvoyeur en fantaisie. Le temps me manque pour vous en dire plus ; alors, je vous adresse ces quelques vers, et le poème d'affection de Louis Aragon, mis en musique par Jean Ferrat. Se présente ici une farandole de talents admirables, d'une simplicité biblique, si difficile à atteindre.


L'ombre

Quand je t'attendais, dans ce bar,
La nuit, parmi des buveurs ivres
Qui ricanaient pour avoir l'air de rire,
Il me semblait que tu arrivais tard
Et que quelqu'un te suivait dans la rue.
Je te voyais te retourner avant d'entrer.
Tu avais peur. Tu refermais la porte.
Et ton ombre restait dehors:
C'était elle qui te suivait.

Ton ombre est toujours dans la rue
Près du bar où je t'ai si souvent attendue,
Mais tu es morte
Et ton ombre, depuis, est toujours à la porte.
Quand je m'en vais, c'est à présent moi qu'elle suit
Craintivement, comme une bête.
Si je m'arrête, elle s'arrête.
Si je lui parle, elle s'enfuit.

Ton ombre est couleur de la pluie,
De mes regrets, du temps qui passe.
Elle disparaît et s'efface
Mais envahit tout, à la nuit.

[…]
Francis Carco (extrait)


L’averse

Un arbre tremble sous le vent
Les volets claquent.
Comme il a plu, l’eau fait des flaques.

Des feuilles volent sous le vent
Qui les disperse.
Et, brusquement, il pleut à verse.

Le jour décroît.
Sur l’horizon qui diminue
je vois la silhouette nue
D’un clocher mince avec sa croix.

Dans le silence,
J’entends la cloche d’un couvent.
Elle s’élève, elle s’élance
Et puis retombe avec le vent.

Un arbre que le vent traverse
Geint doucement
Comme une floue et molle averse
Qui s’enfle et tombe à tout moment.


Francis Carco

2 commentaires:

Jérôme Leroy a dit…

Mon préféré de Jésus la Caille, et sans doute dans le top 50 de mon anthologie personnelle de la poésie française, même si, en l'occurrence, il n'est pas de saison.




Il pleut - c'est merveilleux. Je t'aime.

Nous resterons à la maison :

Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes

Par ce temps d'arrière-saison.



Il pleut. Les taxis vont et viennent.

On voit rouler les autobus

Et les remorqueurs sur la Seine

Font un bruit ...qu'on ne s'entend plus.



C'est merveilleux : il pleut. J'écoute

La pluie dont le crépitement

Heurte la vitre goutte à goutte ...

Et tu me souris tendrement.



Je t'aime. Oh ! ce bruit d'eau qui pleure,

Qui sanglote comme un adieu.

Tu vas me quitter tout à l'heure :

On dirait qu'il pleut dans tes yeux.

Patrick Mandon a dit…

Cher Jérôme, je crois bien que ce texte a été mis en musique. J'essaierai de le trouver. Je possède un disque où l'on entend Carco réciter ses propres poèmes.
Mais je reviendra à Francis C. très bientôt !