samedi 10 novembre 2012

La fantaisie amoureuse est dans notre nature

























Voici ce que je répondais ce matin à quelqu'un ; j'ai voulu vous en faire profiter : quelle chance avez-vous !


 La sexualité humaine, quand elle développe ses sortilèges, grâce au trésor de fantaisie que nous recèlons, autorise d’admirables combinaisons qui, pour être coquines, malicieuses, audacieuses, voire un peu ridicules (la gymnastique érotique appliquée comporte une part de grotesque), sont fort éloignées du souci de la procréation. Il y a quelque chose de miraculeux, j’oserais dire de divin, dans le spectacle de deux êtres, qui cherchent à s’arracher tout à la fois aux lois de la pesanteur et à leur terrible condition, essentiellement faite de remords, de chagrin, de souffrance et de peur. Dans ces moments-là, où l’on donne tout autant qu’on reçoit, où l’on s’affole sous l’effet du désir, et où l’on se contraint à être un animal aimable à l’autre, où l’on pressent son attente afin d’y répondre avec art, où l’on se fait serviteur de sa volupté, attentif aux frissons qui le parcourent, où l’on soumet sans violence, généreux dans les caresses, tantôt maître, tantôt valet, lascif, égoïste et charitable, dans ces moments-là, vraiment, que nous importent la procréation, la reproduction de l’espèce, la société entière, l’Orient et l’Occident ? Deux êtres qui s’aiment, qui consentent à mêler leur sueur et leurs épidermes dans le grand remuement de leur imagination, dessinent les figures terriblement émouvantes d’une humanité fragile mais obstinée, capable de livrer une tendre guerre, où l’on ne risque que la « petite mort ».

Pour être précis, accordons à la sexualité un rôle de stricte reproduction de l’espèce, et à la merveilleuse fantaisie, qui murmure à l’oreille des amants des figures adorables, la fonction du seul plaisir, soutenu par le désir toujours entretenu et renouvelé, oublieux de la descendance et du renouvellement des générations. 


Illustration : Le verrou (1778-1780, h. 73, l. 93, musée du Louvre), par Jean-Honoré Fragonard (1732-1806). On s'est interrogé sur le sens qu'il convenait de donner à cette brûlante scène érotique. La femme consent-elle, l'homme la force-t-il, et, en fermant le verrou de la porte, lui interdit-il de s'échapper ? Quant à moi, je la vois déjà pâmer, elle se refuse à peine et s'abandonne déjà. Elle épouse, si j'ose dire, le mouvement général du tableau, qui va de l'huis au lit, où leurs corps creuseront un nid d'ardeur. Cette lourde draperie, qui tombe du plafond en failles harmonieuses, résistera-t-elle aux assauts des corps qui, bientôt, vont se mêler. L'homme, encore très jeune, possède un buste puissant, et l'on voit saillir les muscles de son dos, sa taille se cambrer, ses reins se tendre déjà. Éloignons-nous, ils halètent, ils gémissent et, tantôt, ils paraîtront mieux que nus : ils seront dévêtus.


En prime, ce poème de Robert Desnos, mis en musique par Michel Legrand, chanté par Yves Montand :




On lira « Je t'ai cherchée au bout des chambres…»L'ondoiement d'EstherUn petit val qui mousse de rayons… 

1 commentaire:

Nuagesneuf a dit…


Cher Patrick,

Vous nous livrez en partage un texte délicieux qui serait un peu votre propre définition de l'érotisme.
La perfection de la terminologie et l'agencement des idées donnent à penser que vous maîtrisez votre sujet comme un fidèle pratiquant. Bienheureux ami !...On n'y changerait un mot, pis, -C'est un peu court, jeune homme, On pouvait dire bien des choses en somme... Allez, cher Patrick, livrez-nous une suite, une longue et douce suite...

...

Sinon, pour Desnos, mon pote de toujours, on pourra aller voir ce qui en a été dit à propos de son poème, de Montand aussi et bien entendu du divin Legrand à l'adresse ci-dessous :


http://nuageneuf.over-blog.com/categorie-11534206.html