jeudi 9 mai 2013

Une twisteuse dans l'hacienda


Voici le jeune Hugues Aufray, son superbe profil d'aigle tendre, la fêlure d'harmonie de sa voix, dans un registre éloigné de l'ambiance feu de camp : une chanson qui évoque un peu Le Messager (The go-between), roman de Leslie Poles Hartley, porté, admirablement, à l'écran, par Joseph Losey, d'après un scénario de Harold Pinter. Le Messager traite de la difficulté d'aimer au-dessus de sa condition, de son impossibilité dans un certain contexte historique et sociologique, de l'ardente nécessité des corps, également, du plaisir charnel volé aux conventions, menacé de scandale, de son intensité clandestine. La chanson d'Aufray est plus mesurée, plus sentimentale. Le palefrenier de la belle Dona Maria Elena Cantrell, de San Miguel, ne s'autorisera pas les audaces d'Alan Bates sur la superbe Julie Christie dans le foin d'une grange. Il gardera pour lui le désir ardent qu'elle lui inspire, et qu'elle soupçonne sans doute, sinon qu'elle s'amuse à provoquer. Elle l'autorise à galoper à ses côtés, à suivre le mouvement régulier de ses reins sur la selle du cheval, à mesurer l'adorable contrainte de ses cuisses sur les flancs de sa monture…
San Miguel est adaptée d'une folksong américaine de Jane Bowers, publiée en 1959.




En regardant bien la vidéo, j'ai cru reconnaître à 0.47, et à 2. 01, vêtue d'une robe festonnée de noir, au pied du chanteur, très à l'aise, la délicieuse Zouzou la twisteuse. Personnage de légende des fameuses « sixties », dont la joliesse intemporelle (traits délicats sans mièvrerie, vaguement androgynes, casque de cheveux pour une coiffure lisse.). Petite sœur yéyé de la tragique Loulou (Georg Wilhelm Pabst, 1929) elle s'expose avec élégance et sans excès, elle se fond naturellement dans le mouvement du monde, elle en est une figure lucide.
Elle a vécu, elle a survécu, elle a vaincu ce qui aurait pu la tuer. Elle ne regrette rien. Elle est bien.




Florence, dans un message, me donne raison : selon elle, il s'agit bien de Zouzou. Florence nous rappelle, fort à propos, que la belle Zouzou a joué dans le film de Rohmer L'Amour l'après-midi. Zouzou fut enchantée d'avoir été choisie par Éric Rohmer.
L'amour l'après-midi… Que peut-on faire de mieux ?




















Une bien belle personne, cette Zouzou ! Physiquement indémodable : ci-dessous, Zouzou en compagnie de Bernard Verley, scène du film L'Amour l'après-midi, sixième de la série des Contes moraux d'Éric Rohmer (1972).


Et Chubby Checker ? Que serions-nous sans Chubby ? Des danseurs de tango aux cheveux lustrés, des empruntés de la piste de danse, des bras ballants, des torses raides !

- Vous dansez, mademoiselle ?
- Bof ! C'est quoi comme genre de danse ?
- Un twist. Il faut avoir des genoux souples : vous êtes jeune, ça ne devrait pas vous poser de difficulté.
- Bof ! C'est un vieux truc, le… machin, le triste.
- Le twist, mademoiselle, le twist.
- Oh, arrêtez de dire mademoiselle, c'est ringard ! Au fait, comment vous vous appelez ?
- Patrick !
- C'est pas la peine d'insister, j'aime pas Patrick comme prénom.
- Encore un râteau ! (à ce sujet, voir ici)

Chubby Checker, Let's twist again (1961) : un succès phénoménal !

5 commentaires:

Florence a dit…

Vous avez raison, Patrick, je crois aussi que c'est bien Zouzou. Celle que l'on retrouve aussi avec bonheur dans "L'amour l'après-midi".

Patrick Mandon a dit…

Chère Florence, je vois que vous connaissez bien Zouzou, et que vous semblez aimer le grand Éric Rohmer. Fort de votre encouragement, j'ai enrichi mon article. Je vous remercie vivement.

Florence a dit…

Merci à vous, cher Patrick, de m'associer ainsi à votre billet sur ces sixties que j'aime tant ! Quant à Eric Rohmer, il figure aux toutes premières places de mon Panthéon personnel.

Pierre a dit…

L'amour l'après- midi c'est très bien, mais on ne sait plus quoi faire le soir.

Patrick Mandon a dit…

Le soir, Pierre ? Mais le soir est fait pour veiller, pour disputer, pour s'entendre. Le soir, les corps las se détendent et se préparent au sommeil, qui ne vient pas toujours. La nuit, elle, vient toujours, avec son cortège d'ombres bienveillantes ou menaçantes.
L'amour l'après-midi, c'est la découverte des corps vêtus, qu'on ne dévêt pas complètement, car l'amour vêtu-dévêtu, que veux-tu, c'est meilleur que les corps nus, vois-tu…
- Es-tu libre, ce soir ?
- Mais oui, j'ai fait l'amour cet après-midi !